PLONGÉE DANS LA PRÉCARITÉ DE L’INTÉRIM

L’intérim offre une flexibilité aux étudiants jobistes. Mais ce qui est un avantage pour certains ne l’est pas pour d’autres. Pour les chercheurs d’emploi, cette flexibilité peut vite devenir un facteur de précarité et d’instabilité. D’où vient cette précarité? Enquête.

S’il existe une précarité de l’intérim, c’est parce qu’une extrême flexibilité est demandée aux travailleurs. Une responsable d’agence d’intérim sur Bruxelles reconnaît que “des courts contrats de deux jours par semaine peuvent amener à de la précarité.” Apporter des solutions flexibles aux clients – les employeurs – reste l’une des priorités de ces agences. “Cela peut amener de la précarité, mais c’est un point de vue (…) Toutefois, ce terme ne sera jamais utilisé dans une agence”, confie cette responsable. Une agence d’intérim doit agir dans une optique de résultat. Chaque contrat signé avec un utilisateur est une réussite pour l’agence. Soulever la question de la précarité des intérimaires ne se fait donc pas sans nuance dans le privé.

Michel Pluvinage, responsable CSC des intérimaires, tient un tout autre discours. “L’une des bagarres de la CSC avec les employeurs d’intérimaires est d’installer une relative stabilité du travail”, dit-il. Son combat passe, d’une part, par une sécurité d’emploi dans les premiers jours. L’entreprise a légalement 48 heures pour faire signer le contrat. Beaucoup d’employeurs ne respectent pas ce délai. D’autre part, l’intérim coûte cher, parfois 200% d’un salaire normal. Etant donné ce coût et dans un souci d’économies peu recommandables, certaines entreprises omettent de déclarer des primes de travail – primes de travail de nuit, par exemple – à l’agence d’intérim.

L’intérim, une étape inévitable pour l’emploi

Malgré cette précarité, le secteur de l’intérim reste le principal canal à l’embauche en Belgique. Selon une convention entre le gouvernement flamand et les partenaires sociaux du secteur intérimaire, l’intérim représentait 64,7% de l’embauche en Flandre en 2009. C’est d’ailleurs pourquoi le VDAB est devenu un partenaire incontournable pour ce secteur. Il assiste et guide les chercheurs d’emplois intérimaires. Yvan Nolmans, Sector Account Manager au VDAB, parle d’une “véritable révolution.” Ce service du VDAB n’existait même pas il y a 6 ans.

De plus en plus souvent, des travailleurs intérimaires satisfont leurs patrons qui décident alors de les engager. Mais avant de signer un contrat à durée indéterminée, le travailleur doit encore passer par une période d’essai, même s’il a déjà presté quelques mois dans l’entreprise comme intérimaire.

Aujourd’hui, les agences régionales pour l’emploi travaillent main dans la main avec les sociétés d’intérim. Ces dernières peuvent poster les annonces de leurs clients sur les sites web des agences régionales. Par exemple, le VDAB offre des services d’alerte-  emploi par sms ou par email aux usagers. Tout ces services sont gratuits. La responsable d’agence rencontrée pour lé rédaction de cet article l’a confirmé:“Etant donné qu’il y a moins d’usagers qui se présentent spontanément qu’il y a 10 ans, passer par le VDAB ou Actiris est une fameuse aide.”

Malgré cette heureuse collaboration services publics – privés, les bureaux d’intérim envoient de moins en moins de chercheurs d’emploi au VDAB. Si une agence n’a pas d’offre à proposer à un chercheur d’emploi pour cause de compétences insuffisantes, celui-ci va s’adresser à d’autres agences jusqu’à ce qu’une d’elles lui propose un poste. Ce processus ne pousse pas à la formation des chercheurs d’emploi moins qualifiés. Pourtant, le VDAB possède 70 centres de formation.

Pas de job pour tout le monde!

La concurrence entre les candidats est rude! Même si le secteur de l’intérim est un canal privilégié pour l’emploi, tous les usagers ne trouveront pas un travail intérimaire. “Il y a énormément de candidats, mais aussi des pénuries pour certains profils”, a-t-on dit dans une agence. Il est plus difficile de trouver un candidat pour un poste de secrétaire trilingue que pour celui d’ouvrier de production. Les postes exigeant le plus de qualifications sont ceux pour lesquels il y a souvent moins de candidats à proposer. Tout comme les langues, la motivation est un critère de sélection. Dans cette même agence, on explique: “Les utilisateurs doivent montrer leur détermination à avoir un travail. Cela passe par un sourire, de la politesse et des appels téléphoniques fréquents à l’agence.”

Yvan Nolmans du VDAB ajoute que d’autres facteurs entrent en ligne de compte: “la mobilité, la connaissance, les compétences, la flexibilité et la pauvreté.” Le VDAB cherchera toujours des solutions à ces problèmes par un suivi personnel, au cas par cas. Si le besoin existe, l’une ou l’autre formation sera proposée. Néanmoins, de nombreux candidats aux emplois intérimaires finissent par baisser les bras. Certains employeurs ne proposent en effet que de courts contrats de quelques jours par semaine. D’autres “appellent l’intérimaire seulement une heure avant sa prise de poste pour lui annoncer qu’il ne travaillera finalement pas”, affirme Michel Pluvinage de la CSC. Face à l’incertitude de leur statut, le découragement touche beaucoup d’intérimaires.

Les agences privées d’intérim sont également exposées à des personnes socialement défavorisées. Toutefois, leur réponse diffère de celle du VDAB ou d’Actiris: “On ne peut pas faire du social. On est une agence d’intérim, donc on doit être rentable. C’est clair qu’on reçoit les gens correctement, mais on ne peut pas aider tout le monde (…) On a des limites dans ce qu’on peut offrir.”

La discrimination, un sujet à fleur de peau.

Si une demande discriminatoire, telle la couleur de peau, la langue ou le sexe de l’utilisateur arrive auprès d’une agence, elle se doit de rappeler à son client que cette pratique est illégale. “En tant que société intérimaire, on se doit d’être neutre.”, clame une responsable d’agence.

La discrimination est un sujet très délicat. De nombreux cas se sont retrouvés devant les tribunaux. Toutefois, Michel Pluvinage précise que “les employeurs sont demandeurs de règler les litiges à l’amiable.”Les discussions prennent vite une tournure de débats de juristes et traînent pendant des lunes.

Les syndicats possèdent une arme à l’efficacité toute relative. Si une société d’intérim ne respecte pas la législation sociale, condition d’agrément à l’exercice de son activité, les syndicats peuvent plaider devant la commission d’agrément de la Région. Ainsi, une société pourrait se voir sucrer son droit d’exercer son activité.  Toutefois, le véritable défi repose sur la difficulté d’apporter la preuve dans pareil cas.

Les intérimaires mal lotis en matière de sécurité-santé

La fréquence des accidents de travail et leur gravité sont en manifeste augmentation chez les travailleurs intérimaires. Ce n’est pas sans inquiéter les défenseurs de leurs droits. Les intérimaires sont peu habitués aux risques de l’entreprise dans lquelle ils arrivent. Michel Pluvinage rappelle que lorsqu’un intérimaire entre dans une entreprise “il doit recevoir une formation de 4 heures, un suivi médical, les protections nécessaires et une fiche de poste de travail.” En réalité, tout cela reste de l’ordre théorique.

Quand un intérimaire dépose un dossier d’accident de travail auprès d’une assurance, le dossier est souvent classé sans suite. L’apport de la preuve de la thèse de l’accident reste souvent la pierre d’achoppement.

Laisser un commentaire