ALEA ACTA EST?

28/01/2012

Près de 200 personnes se sont rassemblées samedi à la Bourse de Bruxelles pour dénoncer les excès d’ACTA, l’accord commercial anti-contrefaçon. La manifestation a eu lieu deux jours après que l’Union européenne et ses partenaires ont officiellement franchi une nouvelle étape dans l’élaboration de l’accord, à Tokyo. La fermeture récente du site de partage Megaupload a également nourri la contestation.

Manifestation contre ACTA – 28/01/2012, Bruxelles / Source: Benoît Theunissen

La plupart des manifestants arboraient le masque du film “V for vendetta”, symbole assimilé auxAnonymous. Ils ont voulu exprimer leurs vives inquiétudes sur les conséquences d’ACTA en matières de liberté d’expression, d’échange des données sur les médicaments génériques et de partage de la culture.

Concrètement, l’accord prévoit que  les fournisseurs d’accès à Internet agissent comme une police sur leurs propres réseaux. Et cela, à la demande de l’industrie du cinéma et de la musique. Si l’accord ACTA venait à être ratifié, tous les fournisseurs d’accès devraient alors contrôler l’activité en ligne de chacun de leurs abonnés. Chaque paquet de données serait “ouvert” et analysé afin de détecter tous les contenus illégaux échangés. Les opposants d’ACTA signalent l’incompatibilité de cet accord avec les fondamentaux démocratiques et indiquent qu’il menace les libertés fondamentales.

Manifestation contre ACTA – 28/01/2012, Bruxelles / Source: Benoît Theunissen

La mise en application d’ACTA provoquerait un transfert de certaines compétences judiciaires vers le privé. L’article 27.3 de l’accord fait mention à des “coopérations” entre les ayants droits et les fournisseurs d’accès à Internet. Le travail de surveillance et de collecte des preuves qui incombe à la police passerait aux mains de privés. Il en irait de même au niveau des sanctions. Le droit à un procès équitable ne serait donc plus d’actualité.

Manifestation contre ACTA – 28/01/2012, Bruxelles / Source: Benoît Theunissen

L’article 27.4 permettrait, quant à lui, aux ayants droits de se procurer les données privées des utilisateurs de la Toile. Les informations leur seraient envoyées par les fournisseurs d’accès à Internet. Chose encore plus alarmante puisque cela se déroulerait sans l’avis préalable d’un juge.

Et cerise sur le gâteau, l’accord commercial anti-contrefaçon pourrait régulièrement être modifié après sa ratification. Un “Comité ACTA” serait mis sur pieds, selon l’article 36. Il aurait donc pour mission de rectifier le texte de l’accord après le vote final. Jusqu’à preuve du contraire, il s’agirait d’une première dans ce genre de mécanismes faisant fi des principes démocratiques.

Manifestation contre ACTA – 28/01/2012, Bruxelles / Source: Benoît Theunissen

Kader Arif, rapporteur du traité au Parlement européen, a directement démissionné suite à la signature de l’UE à la nouvelle étape de l’élaboration de l’accord. Dans un entretien qu’il a donné au pure player OWNI, il n’hésite pas à parler de “mascarade”. Il perçoit dans l’accord un déséquilibre entre la protection des ayants droits et la protection des citoyens. “ACTA va trop loin”, a-t-il confié au journal en ligne français.

De son côté, la Commission européenne dément sur son site web toute volonté de “vérifier ou surveiller les communications privées sur Internet et de censurer des sites.” Elle insiste également que l’accord ACTA“ne changera pas la législation existante de l’Union européenne (…) ne créera pas un nouveau droit sur la propriété intellectuelle.”

Nombre de cas de contrefaçons aux frontières européennes

Un cas représente une interception par les douanes de l’UE. Chaque cas contient un certain nombre d’articles qui peuvent varier de un à plusieurs millions et peut contenir des articles de différentes catégories. / Source: Europa.eu

L’UE soutient ACTA dans le but de “protéger des emplois en Europe.” Toujours sur son site Internet, la Commission affirme que l’Europe perd annuellement €8 milliards par an à cause des marchandises contrefaites qui inondent son marché.

La procédure de ratification de l’accord commercial anti-contrefaçon nécessite un vote final au Parlement européen. Il devrait avoir lieu au plus tôt en juin 2012. Des manifestations se sont déroulées ces derniers jours à travers l’Europe. Une pétition internationale sur AVAAZ.org – actuellement en cours – a déjà récolté plus de 800.000 signatures.

Manifestation contre ACTA – 28/01/2012, Bruxelles / Source: Benoît Theunissen

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