Espagne: chaotique travail de mémoire

L’Espagne doit attendre le 31 octobre 2007 pour adopter une Loi sur la Mémoire Historique, établie à l’initiative de José Manuel Zapatero. Elle fait fi au « pacte de l’oubli ». Elle est pourtant encore loin de faire l’unanimité.

Les avis restent partagés sur le sort de Franco. Pour certains, il incarne le salut de l’Espagne. Pour d’autres, son souvenir rime avec massacres, fascisme et dictature. Oser évoquer le souvenir de Franco et la Guerra civil de 1936 ne se fait pas sans prise de risque.

De vives critiques ont été lancées à l’encontre de la Loi sur la Mémoire Historique, spécialement du côté de la Phalange et des partis conservateurs tel le Parti Populaire espagnol. Le Premier ministre Zapatero a rapidement été considéré par ses détracteurs comme un revanchard qui aurait tenté de transformer l’Histoire à son profit.

Le Parti Populaire a également reproché à J. M. Zapatero d’ôter la légitimité au consensus trouvé lors de la Transition pour sortir du Franquisme.

La loi du 31 octobre 2007 permet la réouverture d’anciens dossiers de la période franquiste. Loin de plaire à ceux qui ont bénéficié de l’amnistie, la possibilité de revisiter le passé s’assimile à la réouverture des blessures du passé.

Des réticences compréhensibles

Les réticences actuelles envers la réhabilitation de la Mémoire des vaincus de la Guerra civil peuvent s’expliquer. Les études historiques sur le sujet n’existent que depuis peu. Les mises à jour de la cartographie des fosses communes de victimes républicaines et le travail de militants tendent à changer les esprits, aussi bien en Espagne qu’outre-Pyrénées.

Les enjeux de la judiciarisation de l’Histoire

La volonté de l’ancien Premier ministre espagnol de légaliser la mémoire historique implique la judiciarisation du problème. Et non sans soulever des questions majeures.

Certains craignent une justice expéditive par manque de temps et de moyens. D’autres se demandent, dans un souci de démocratie, si les enquêtes ne vont pas être menées uniquement sur des personnes connues.

Comment ne pas arriver à un stade où le peuple espagnol croira avoir accédé à la vérité absolue ? Quel rôle est donné aux juges et aux historiens ? Le journaliste Enzo Traverso proposait dans un article Pitié pour les morts et l’histoire publié dans El Pais du 21 décembre 2008, au vu du nombre d’études déjà réalisées sur la question, que la jeune génération se forge sa propre opinion.

L’importance d’un devoir de mémoire

Anton Tarradellas, comédien dans la pièce La ballade des historiques anonymes, affirme que “le temps a passé, les choses ont changé, mais on garde toujours un rapport à son passé.” Pour le comédien, le travail de mémoire possède toute son importance. La jeune génération actuelle peut jouer un rôle. “Dans dix ans, ce qui sera raconté le sera par des gens qui ne l’ont pas entendu directement ou vécu ”, explique-t-il.

Reconnaitre la mémoire des victimes du franquisme répond au besoin de réparation des blessures encore ouvertes dans la nation espagnole.

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